VALAT Fernand Né le 19 juillet 1886 à Alès (Gard), fusillé sommairement le 25 août 1944 à Alès; instituteur, militant socialiste puis communiste, conseiller municipal et maire d’Alès (1925), déchu puis réélu; conseiller général puis député (1936). Dirigeant communiste de la région languedocienne dans l’entre-deux-guerres, quitte le PCF après le Pacte germano-soviétique; membre du POPF durant l’Occupation, arrêté pour résistance en juillet 1944. Fils d’un ouvrier cordonnier devenu marchand de chaussures, Fernand Valat fut contraint de vendre des petits pains à la criée et ne put continuer à suivre un enseignement secondaire faute de ressources (il avait pourtant été reçu premier aux épreuves en vue de l’obtention d’une bourse). Plus tard, élève de l’École normale de Nîmes, il passa son brevet élémentaire en 1902, puis son brevet supérieur en 1905. Il devint alors instituteur à Saint-Jean-du-Gard, puis au Martinet (1906), à Anduze (1907) et à Aigremont (1909). Valat créa en 1906 une section socialiste au Martinet et fut candidat en 1913 aux élections au conseil général dans le canton de Vézénobres. Nommé instituteur à Alès après la guerre, il prit fait et cause pour l’adhésion à l’Internationale communiste, devint secrétaire de la section communiste d’Alès et s’illustra en tant que dirigeant du PC dans la cité minière cévenole. En 1922, il appartenait au comité fédéral. En mai 1925, la liste municipale de Bloc ouvrier et paysan fut élue en totalité. Valat, alors en congé pour convenances personnelles, en était le chef de file et fut invalidé par le conseil de préfecture du Gard. Le conseil d’État devait cependant confirmer son élection en juillet 1926. Ce fut le début d’une guérilla politico-administrative de quatre ans. Le pourvoi de Fernand Valat devant le Conseil d’État provoqua la tenue d’une élection partielle, le 14 novembre 1926, au cours de laquelle il fut élu dès le premier tour avec 2 973 voix sur 5 959 votants, les autres sièges étant en ballotage. Valat fut à plusieurs reprises désigné comme maire d’Alès (entre autres, le 17 mai 1927, avec 17 voix sur 30) pour ne le devenir définitivement qu’en 1929. C’était, selon Louis Molinier “un bon administrateur et, dès les premiers jours de sa gestion, le conseil municipal avait réalisé de fort bonnes choses, très appréciées par la population laborieuse d’Alès”. Son ancien camarade de parti, demeuré orthodoxe, ajoute “qu’assez bon orateur, bon musicien, peintre, etc... (Valat) aimait les flatteries et ramenait les succès du parti à sa personne” (op. cit., p. 73). Il aurait en outre joué avec un autre responsable régional communiste, Bourneton*, un jeu ambigu de rébellion et de connivence... Élu conseiller général du canton-Est d’Alès, Fernand Valat fut candidat en 1928 aux élections législatives et recueillit 4 599 voix sur 18 954 inscrits. Avec le conseiller général de Lédignan, Béchard, il fut en revanche évincé comme “opportuniste” pour la candidature à la députation en 1932, résultat d’une résolution intransigeante du BP du 19 février concernant les élections de mai suivant. Étienne Fajon a raconté (op. cit., p. 67-68) comment il fut chargé d’imposer le remplacement de ces derniers par Évesque Walter*et lui-même. Le Parti communiste n’eut dans le Gard que 11 903 voix, ce qui constituait un sérieux recul, et la crise était ouverte quand Valat présida à Alès, à la fin du mois de juillet 1932, le congrès ouvrier et paysan chargé de le réorganiser. Un rapport de police du 12 octobre note, par exemple, que dans l’arrondissement du Vigan subsistaient seulement trois cellules sur les huit qui existaient en 1930 (soit 35 adhérents contre 400). Valat devint, avec Gabriel Roucaute*, le premier éditorialiste du Cri d’Alès, nouvel hebdomadaire du rayon communiste de la ville dont le premier numéro fut publié le 11 octobre 1933. Il fut élu au bureau régional le 7 mars 1936 et réélu les 11-12 décembre 1937 au cours de la conférence régionale au comité régional. Il faisait partie du seul comité régional au printemps 1939. Fernand Valat avait pourtant connu, dans l’intervalle, de nouvelles et contraignantes épreuves. Adolphe Capelle*, trésorier du rayon d’Alès et directeur des régies municipales, proche collaborateur qu’une “certaine concurrence pour le “faire-valoir” auprès de quelques quémandeuses et intrigantes” (Louis Molinier, op. cit., p. 88) avait éloigné de son maire, émit, à partir de 1932, des critiques sur sa gestion. Celles-ci prirent bientôt la forme de rapports au rayon, puis à la Région communiste, au point qu’une commission d’enquête fut désignée. La position de Valat ayant prévalu, Capelle fut exclu du PC, destitué de ses fonctions et révoqué en tant qu’employé municipal le 26 août 1933 pour s’être livré “à des pratiques constituant la faute la plus grave dans son service” (selon l’avis du conseil de discipline du 24 août). Capelle prit alors la tête d’un “syndicat des contribuables alésiens”, possédant sa propre presse : il engagea de vigoureuses campagnes dont les échos furent largement répercutés par la presse “bourgeoise”. Arrêté au début du mois de mars 1935, Valat fut révoqué pour détournement de biens municipaux (en fait des bons d’essence) et privé de ses droits civiques. Dès le 17 mars, un meeting fut organisé au théâtre municipal où Louis Molinier prit la parole aux côtés de Louis Chapon et de Marcel Ferrier. Le Parti communiste décida de ne point se désolidariser de Fernand Valat dont l’activité délictueuse couvrait vraisemblablement une trésorerie occulte. Le 16 avril, il organisa un grand rassemblement, avec la présence de Marcel Cachin*, devant le Fort Vauban où Valat était incarcéré, puis, le 24 août, une fête du Secours rouge pour sa libération. Valat fut acquitté par les Assises du Gard en juillet 1935 puis condamné par le tribunal correctionnel et par la Cour d’appel le 26 août 1936 à six mois de prison. Il fut libéré en septembre après avoir purgé les six mois de sa condamnation en préventive. Il devait être totalement réhabilité en 1938. Le 2 février 1936 eut lieu l’élection du maire, consécutive aux opérations électorales complémentaires du 19 janvier 1936. Valat fut désigné par 31 voix sur 32 et fit immédiatement une déclaration remerciant ses électeurs précisant que “le devoir d’un militant averti est d’éviter les traquenards dans lesquels les adversaires peuvent l’attirer (...) Suspension, révocation, annulation des actes conclus en qualité de maire (...): inutile de s’offrir en holocauste et de chercher à paralyser la vie municipale par une dissolution possible qui comblerait de joie certains de nos adversaires. Je refuse donc la fonction de maire à laquelle, pour la cinquième fois, vous venez de m’élire (...)” (Cahier de délibérations du conseil municipal). Albert Leyris fut alors élu maire d’Alès par 32 voix sur 32 mais il mourut le 21 mars et fut remplacé le 29 mai 1936 par Louis Chapon*. Fernand Valat, qui était resté le “maire moral d’Alès” et que l’on s’était engagé, quand viendrait “l’heure de la réparation”, à rétablir dans ses fonctions, demeura dès lors un simple conseiller municipal. Sa carrière de maire maudit était bel et bien finie quand la Cour d’appel de Nîmes décida, le 17 novembre 1938, sa réhabilitation judiciaire. Son activité publique avait pris un nouvel essor grâce à son élection en tant que député de la 2e circonscription d’Alès, le 3 mai 1936 : il avait battu au deuxième tour le député de droite sortant (Ramel) par 8 776 voix contre 6 636. Valat fut arrêté au début du mois d’octobre 1939 en tant que membre du Groupe ouvrier et paysan français. Interrogé par la justice militaire sur l’envoi par Bonte* et Ramette* d’une lettre au président Édouard Herriot réclamant l’ouverture de négociations de paix, en accord avec le Pacte germanosoviétique, il se désolidarisa du Parti communiste le 17, rompant par là-même toute attache avec la direction clandestine du parti dissous. Valat déclara plus tard à ce sujet : “Étant à la Santé, j’ai pu étudier à loisir les termes de l’accord Molotov germano-russe (sic) du 29 septembre. Les termes m’en paraissent inadmissibles, particulièrement à moi qui, en qualité de parlementaire, me suis à maintes reprises élevé dans les réunions publiques contre les annexions successives réalisées par l’Allemagne conformément au plan de Mein Kampf. La volonté exprimée par l’Allemagne et la Russie de présenter comme définitive une nouvelle annexion est pour moi inacceptable. En conséquence, je donne ma démission du groupe parlementaire ouvrier et paysan français” (Annales de la Chambre, 1940, p. 246). Mis en liberté provisoire le 12 décembre 1939 et bénéficiant d’un non-lieu, Valat participa à l’éphémère groupe formé par les démissionnaires communistes: l’Union populaire française mais il n’en fut jamais le président, contrairement à ce qu’affirme A. Rossi dans Les Communistes français pendant la drôle de guerre, p. 36. Valat vota les pleins pouvoirs constituants à Pétain le 10 juillet 1940 à Vichy. Il suivit Gitton* et Capron* dans la formation d’un parti revendiquant l’héritage du PCF mais financé en sous-main par les autorités d’occupation, le Parti ouvrier et paysan français. Il se rendit à Alès au cours du mois d’août 1942 afin de prendre des contacts en zone non occupée pour y assurer la diffusion de la Deuxième lettre ouverte aux ouvriers communistes (brochure que le POPF avait tirée à 100 000 exemplaires) : il y avait conservé son ancien logement, sis rue Cavalerie à Alès. Vivant à Paris, chez une de ses filles, durant toute la période de l’Occupation, il officiait en tant que trésorier du POPF. C’est sans doute par l’intermédiaire d’Albert Vassart*qu’il rencontra des éléments de la Résistance. Arrêté par les Allemands en juillet 1944 et emprisonné à la prison des Petites Beaumettes à Marseille, il fut libéré le 18 août 1944 par l’armée de De Lattre de Tassigny. Arrêté le 22 (selon Roger Roucaute, à la sortie d’Alès, porteur de faux papiers) par les FTP, Fernand Valat fut jugé à la hâte pour faits de collaboration, au Fort Vauban, en la présence, semble-t-il, du sous-préfet Spadale. Il fut fusillé le 25 août 1944 sur le crassier de Tamaris malgré, dit Rossi (Physiologie du Parti communiste français, p. 444), les protestations de FFI locaux. SOURCES: Arch. Nat. F7/12985, 13106, 13130, 13129, 13985. —RGASPI, 517 1 1908. —Archives POPF. —Témoignage de R. Roucaute recueilli par G. Bourgeois. —La Voix du peuple au Parlement, supplément au n° 12 des Cahiers du bolchevisme, 1936. — J. Jolly, Dict. parl. — L. Molinier, Un militant communiste languedocien raconte..., auto-édition, 1979. — É. Fajon, Ma Vie s’appelle liberté, R. Laffont, 1976. — A. Rossi, Physiologie du Parti communiste français, Self, 1948; Les Communistes français pendant la drôle deguerre, Les Iles d’Or, 1951. —Note de Jacques Girault. Guillaume BOURGEOIS |